Il est fini le temps où les femmes attendaient sur la plage ou dans les voitures, leurs copains qui surfaient. Désormais, elles aussi montent sur les planches et affrontent les vagues. Et avec beaucoup de talent, puisque la nouvelle génération enchaine les bons résultats en compétition.
« Autrefois une princesse chevauchait les vagues avec une grâce inégalée à en rendre jaloux les rois. » La légende citée au début du documentaire, De mer en filles : le surf polynésien au féminin, met les bases. Ce sport était aussi celui des femmes dans l’ancien temps. Puis les missionnaires l’ont interdit et les femmes se sont éclipsées. Elles étaient finalement peu nombreuses sur les spots dans les années 1970-1980 : Tania Tehei et Patricia Rossi se souviennent. « C’était l’exception. On n’était pas beaucoup mais on était choyé : les garçons venaient nous chercher pour nous emmener sur les spots, ils nous laissaient la vague. Ce n’était pas un milieu machiste. J’avais des cousines qui attendaient leur compagnon sur la plage ou dans les voitures, moi je ne voulais pas attendre je voulais aller surfer », raconte Tania. Patricia Rossi, vice-championne du monde en 2010, elle a dominé le circuit local pendant 25 ans. « J’étais issue d’une famille de sportifs : mes parents étaient professeurs de sport, ma sœur championne de natation… Je suivais mon père sur ses reportages, car il était aussi journaliste pour La Dépêche et il m’emmenait sur des compétitions de surf. J’avais testé beaucoup de sports mais pas celui-ci. J’ai emprunté une planche et je me suis lancée. J’avais un père qui me faisait faire tous les sports et il était toujours derrière moi, comme il n’y connaissait rien en surf, c’était le sport qu’il fallait que je fasse pour qu’il ne soit pas là ! » rigole Patricia. Elle se retrouve pratiquement la seule femme à faire des compétitions et est également choyée par le petit monde du surf. Elle côtoie rapidement des gens qui ont un haut niveau et qui vont la guider.
Aujourd’hui, une nouvelle génération s’est emparée des planches : les sœurs Fierro, la toute jeune Kiara Goold… A 21 ans, Vahine Fierro est championne du monde de surf et espère intégrer bientôt le circuit de l’élite mondiale et même s’aligner pour l’épreuve de surf des JO 2024 qui se dérouleront à Teahupoo. Elle et ses deux sœurs ont appris le surf avec leurs parents : une mère surfeuse en loisirs et un père, ancien compétiteur. « Mon père voyait que j’étais doué et il m’a proposé de faire des compétitions mais au début, je ne voulais pas. Finalement, je me suis que c’était une possibilité pour vivre de ce que j’aimais. » Andrew Fierro avoue son admiration de sa fille et surtout de la stratégie qu’elle met en place pendant les compétitions : « Pour elle, le surf c’est comme une partie d’échec. J’ai été scotché par son intelligence. » Vahine Fierro est même une des rares femmes à surfer Teahupoo. Les épreuves féminines sur cette vague ont été interrompues en 2006 mais elles vont reprendre cette année, en 2022. Vahine Fierro s’entraine déjà. « La première fois que je suis venue, c’était assez petit et j’avais peur. La deuxième fois, c’était plus gros. J’ai chuté et j’ai été prise dans la machine à laver, j’ai eu une grosse frayeur. En fin de journée, j’y suis retournée et j’ai pris une vague. J’entendais tout le monde m’encourager. J’ai ramé et j’y suis allée ! » Avec cette vague, elle obtiendra le prix du plus beau tube féminin de l’année 2019.
Entre les anciennes qui rigolent de leurs prouesses et se rappellent de leurs exploits aux nouvelles qui sont bien décidées à faire leur place sur le circuit mondial, on constate que le surf féminin a toujours été brillant. Mais il s’est développé et aujourd’hui elles sont toujours plus nombreuses à aller sur les spots. Jean-Christophe Shigetomi, surfeur, président d’honneur du Taapuna surf club et historien, un ancien de la « bande de Sapinus », avoue son étonnement : « Quand on voit aujourd’hui le nombre de filles qui surfent, c’est impressionnant. Qu’est-ce qui a provoqué ce genre de choses ? Pour moi, c’est grâce aux pionnières, et aux écoles de surf qui viennent chercher les enfants, les emmènent à l’eau, et il y a autant de filles que de garçons. À mon époque, voir une fille dans l’eau c’était l’exception. » Quand on voit les sourires de Tania, Patricia, Vahine, Kiara… Ça ne peut qu’encourager les jeunes filles à se jeter à l’eau !
Article rédigé par Lucie Rabreaud