Alick and Albert, c’est l’histoire d’une rencontre entre deux hommes et deux univers. Artiste reconnu, Alick Tipoti est originaire de Badu, petite île du Détroit de Torres appartenant à l’Australie. Albert II est le Prince de Monaco. Les deux hommes se sont rencontrés à une Exposition Internationale d’Art autochtone à laquelle participait Alick à Monaco. Bien que très éloignés tant sur le plan géographique que culturel, tous deux partagent un même objectif : préserver la biodiversité et, en particulier, les océans. Alick invite donc le Prince à venir à Badu partager un moment de vie océanienne. Albert II accepte l’invitation. De là va naître une amitié, un partage culturel mais aussi la simplicité de la vie quotidienne. La mer et le corail ainsi que les changements climatiques sont aussi au cœur de cette visite. Si le film est sélectionné en compétition pour cette 19e édition du FIFO, le réalisateur Douglas Watkin n’a pas pu se déplacer mais nous avons pu l’interviewer.

En quoi cette rencontre, et surtout de la venue du prince Albert sur cette île aussi petite et isolée, était-elle si importante ?

Le changement climatique n’affecte pas seulement les grandes zones peuplées. Nous constatons de visu comment le changement climatique affecte nos communautés autochtones sur le terrain. Le fait qu’un chef d’État aussi actif que le Prince Albert se rende sur une île éloignée située dans le détroit de Torres met en lumière l’impact du réchauffement de la planète.

Finalement, la connexion entre Monaco et cette île, c’est l’Océan ?

C’est vrai, mais la connexion a également été déclenchée par une exposition d’art des insulaires du détroit de Torres qui s’est tenue à Monaco, et qui a donné lieu à des événements où le prince a accepté une invitation ouverte de l’artiste Alick Tipoti.

Le prince Albert apparaît très humble en s’adaptant à la vie locale… L’adaptation a-t-elle été difficile ?

Non, l’une des caractéristiques de la culture aborigène et des insulaires du détroit de Torres est qu’elle est accueillante et inclusive, ce qui a vraiment permis au Prince de se sentir à l’aise et chez lui en étant adopté par la communauté locale.

Quelques surprises avez-vous rencontrées sur le tournage ?

La météo qui, quand on est exposé aux éléments extérieurs, peut passer de journées chaudes à des journées nuageuses et parfois pluvieuses. En tant que cinéaste, c’est le film le plus lumineux et le plus coloré sur lequel j’ai travaillé. La palette de couleurs de mon dernier film, Ella, était plus sombre, dans l’ombre, dans des décors de théâtre. En comparaison, ce film a été tourné principalement en extérieur, en utilisant la lumière naturelle, particulièrement lors du tournage sur l’île.

Quels sont meilleurs moments du film ?

Il y en a tellement, surtout les premiers plans larges de l’île. Mes points forts sont les moments humains, le prince jouant au basket avec les enfants du quartier, les deux hommes échangeant des histoires en marchant sur la plage et en partageant une bière au coucher du soleil, ou encore Alick faisant venir sa famille à Monaco pour la première fois. J’ai également aimé raconter l’histoire des femmes, donner une voix aux tantes, montrer leur impact sur la culture, et les nouveaux défis à relever. L’autre star de ce film est l’œuvre d’art d’Alick, son expression vivante de l’histoire et des croyances de sa culture.

Quelles ont été les difficultés du tournage ?

Alick et Albert a été l’un des derniers tournages que nous avons effectués avant que le Covid n’impacte la vie de chacun. Normalement, nous aurions eu le temps de refaire des prises de vue sur l’île et même un autre voyage à Monaco pour filmer le Prince. Quoi qu’il en soit, les confinements nous ont empêchés de continuer à filmer, nous avons donc été chanceux d’avoir pu tourner tout ce dont nous avions besoin. Le montage et la post-production ont été effectués à distance, ce qui a certainement été plus long que ce à quoi nous étions habitués.

On voit dans le film deux mondes différent, voire opposés, et pourtant on sent une sensibilité commune à l’océan, à la pollution… Une connexion s’est pourtant produite entre ces deux mondes. L’art d’Alick a-t-il permis cela … ?

L’art d’Alick, comme tout art de qualité, a ouvert un dialogue entre des personnes de mondes différents, qui avaient en fait beaucoup en commun. L’océan, la pollution, à plus grande échelle, et aussi le lien que les tantes ont établi avec le Prince Albert à travers les souvenirs de sa mère, la Princesse Grace. Elles la connaissaient à l’écran et dans les journaux, et il était son fils, mais les émotions et le sentiment de perte constituaient le lien.

Le prince Albert s’est prêté à la tradition de planter un cocotier… Est-ce lien qui les relie désormais ?

C’est un symbole, un rappel de leur lien. Comme l’a dit Son Altesse, il espère emmener un jour ses propres enfants sur l’île pour venir voir le cocotier.

Quel impact aura ce documentaire pour l’île, mais aussi sur les relations entre Monaco et Badu ?

Ce documentaire a été l’occasion de faire connaître au monde entier la culture de Badu et des îles du détroit de Torres, et d’attirer l’attention sur les réalités et les défis du changement climatique sur cette planète. Mais au fond, c’est une histoire humaine d’amitié, et ce que nous retenons de cette histoire, c’est que nous pouvons tous contribuer à sauver la planète.

 

Article rédigé par Sulianne Favennec