Malama Tagata, projeté hors compétition au FIFO, raconte l’investissement de jeunes élèves wallisiens, en classe de 4e option patrimoine, pour une pièce bien particulière. Elle raconte la légende des hommes torches, une histoire terrible qui remonte au 17ème siècle où pour honorer un accouchement royal sur Uvea à Wallis des torches humaines doivent être éclairées à ce moment précis. Le film raconte bien sûr la légende mais surtout les coulisses du spectacle et cette passion qui anime les jeunes. Wallis est l’unique royauté de France, loin de tout et de tous, elle est souvent méconnue. Pourtant, sa richesse culturelle est importante, ce qui n’a pas échappé au réalisateur du film. Nous l’avons rencontré. Interview.

Vous êtes réalisateur en Polynésie française depuis des années, comment vous êtes-vous retrouvé avec cette histoire à Wallis ?

En 2018, j’ai été invité à Wallis pour le FIFO hors les murs car j’avais été primé pour le film Pouvana’a, ni haine ni rancune. Il y avait les trois directeurs régionaux du bassin Pacifique des 1ères qui m’ont sauté dessus pour me dire : « on t’a surtout fait venir pour te demander si tu pouvais faire un documentaire de 52 mn sur un spectacle de fin d’année d’une classe de 4e ». Au début, j’étais sceptique car je ne voyais pas comment faire un documentaire sur cette histoire. Puis, ils m’ont enfermé dans une salle avec des professeurs et certains des élèves très motivés pour faire ce spectacle. Ils m’ont travaillé « au foie », comme on dit, m’expliquant pourquoi ils faisaient ça. Je les ai revus ensuite dans leur vie quotidienne et finalement je me suis dit qu’il y avait des gamins qui étaient vraiment très motivés. Le spectacle risquait donc de ne pas être seulement un spectacle de patronage. Je suis ensuite rentré à Tahiti, je suis resté dans l’angoisse de la page blanche durant une semaine avant de m’y mettre. En trois jours, j’avais écrit un scénario de 35 pages. 

Qu’est-ce que ce sujet vous a apporté en tant que réalisateur ?

De partager la vie quotidienne d’une communauté wallisienne, qui est très intéressante et généreuse, mais aussi de partager ces moments avec ces jeunes. Tu avais l’impression pour certains qu’ils faisaient ça comme si leur vie en dépendait ! Ce film est aussi une forme d’engagement : celui de ne pas perdre sa culture, la Polynésie française a perdu beaucoup de choses en route depuis 50 ans. Il serait temps d’arrêter cette hémorragie que la mondialisation favorise. C’est donc quelque chose qui me tient beaucoup à cœur de montrer des gens ou des groupes de personnes qui se battent pour que cela reste.

Est-ce que justement cela peut être inspirant pour la Polynésie, par exemple ?

La Polynésie pourrait s’inspirer de ces classes option patrimoine. Chaque année, ils ont une thématique. Avant les hommes torches, c’était les odeurs, celles des fleurs, comprendre pourquoi on montrait telle couronne pour arriver à quel résultat ou ce que cela signifie. A Wallis, à l’inverse de la Polynésie, tout le monde parle le wallisien, tous les enfants pouvaient jouer dans la version française ou wallisienne. Ceci dit, Wallis avait un peu de retard dans les nouveaux médias. L’internet mobile est apparu il y a seulement deux ans donc les jeunes n’avaient pas encore cette habitude de s’enfermer dedans bien que ça commençait.

Est-ce surprenant de voir l’investissement de ces jeunes pour cette pièce, pour leur patrimoine, avec des scènes qui ne sont pas toujours faciles ?

En réalité, chez les jeunes de Wallis, ce genre de légende ou d’histoire terribles les fait plutôt rigoler. Comme disent leurs professeurs, ils ne voient pas les mêmes choses que nous. Dans tout le triangle polynésien, il y a des légendes terribles donc ils sont habitués à ce type de récit. Et, le fait de jouer et se montrer ça les amusait beaucoup. Lorsque le film a été terminé, il a été projeté en avant-première à Wallis. C’était un délire, les gens ont adoré, ils se marraient tout le temps. C’était un grand moment de partage. Ils étaient aussi très contents qu’on s’intéresse enfin à Wallis et à leur culture. Je tiens à dire d’ailleurs que ce documentaire est le premier documentaire wallisien d’origine, la demande et le sujet ont été conçus à Wallis, les moyens mis en œuvre étaient de Wallis.

Ce film peut-il donc permettre d’ouvrir les esprits sur Wallis ?

Je ne sais pas si ce film le permettra mais on l’espère. Pour un réalisateur, quand son film est projeté, il ne lui appartient plus. Cependant, je repars à Wallis le 15 février une semaine pour un nouveau film qu’on m’a demandé de faire. Il y a une dynamique qui se met en place. Il y a en tout cas une demande.

Suliane Favennec / FIFO 2020