« Quoi qu’il arrive on regarde devant et on continue à s’adapter »

Ce fut un FIFO mouvementé avec la rupture du câble Honotua, les alertes météo et donc l’annulation d’une partie de la programmation à la Maison de la culture, comment ça s’est passé pour l’équipe ?

C’est compliqué de construire une programmation de festival mais ça l’est encore plus de la déconstruire et de de la reconstruire en temps réel. Cette semaine, les équipes ont fait un travail qui est normalement anticipé sur plusieurs semaines avant le festival. Ça a été un gros challenge pour tout le monde. Il a aussi été difficile de se mobiliser dans un effort de démantèlement du festival tant dans la programmation que physiquement car les équipes de la Maison de la culture ont été contraintes de démonter l’ensemble des infrastructures d’accueil autour du village. Émotionnellement c’est dur de se dire qu’on a fait tout ce travail pour l’annuler.

Certains ont dit être épatés de voir de la joie, des sourires, malgré ces difficultés.

Les équipes connaissent le travail dans l’événementiel et on ne fait pas ces métiers si on n’est pas prêts à faire face à des aléas. « The show must go on » est le maître mot et donc quoi qu’il arrive on regarde devant et on continue à s’adapter aux éléments du mieux qu’on peut. On a la chance d’avoir le festival hybride donc on s’est rabattus sur Internet même si malheureusement il y a eu des difficultés là aussi. Pour le dernier week-end, on a choisi de reprogrammer l’ensemble des films de la sélection et bien évidemment les films primés plusieurs fois. Je suis extrêmement fière de toute l’équipe. Je trouve qu’on a été efficaces ensemble, résilients et courageux.

C’est un FIFO qu’on n’oubliera pas…

Il est rentré dans les annales ! J’en ai discuté avec mes quatre prédécesseurs qui font toujours partie de l’équipe et qui m’accompagnent dans l’organisation du festival : Pierre Ollivier, Miriama Bono, Marie Kops et Mareva Leu. Il apparait évident pour eux et tous les membres de l’association que ce FIFO était particulièrement challengeant !

Concrètement, quelles sont les conséquences ?

Financièrement nous n’aurons pas atteint nos objectifs, en termes de fréquentation non plus, ça va être difficilement rattrapable avec l’annulation de la moitié de la programmation. On n’aura pas eu beaucoup de scolaires car la journée qui leur est entièrement dédié a été annulée. Vendredi quelques classes sont venues mais d’habitude on enregistre entre 5 000 et 7 000 entrées scolaires pendant la semaine. C’est sûr que le bilan sera difficile mais les contraintes exogènes ont été très importantes cette année. Il n’est pas question de s’apitoyer mais plutôt de réfléchir à la manière de compenser cette situation. On va se déplacer dans les établissements scolaires donc on appelle les enseignants à nous contacter et nous allons essayer de faire un FIFO hors-les-murs plus conséquent.

Si le FIFO a été fermé au public quelques jours, les rencontres des professionnels ont continué, les assises de l’audiovisuel organisées par le gouvernement ont commencé ici et des annonces importantes ont été faites comme le projet de création du Fonds de soutien pour l’audiovisuel océanien.

Le FIFO ne se réduit pas aux projections dans les salles, il y a les ateliers, les rencontres, et toute cette partie d’échanges de filière, ou « industry talks », où les professionnels de la région discutent entre eux. Nous avons eu des représentants des fonds de financement, des distributeurs, des producteurs, des diffuseurs de grandes chaines comme TVNZ, SBS Australia, des représentants de plateformes, Canal+ Pacifique… C’est autant de débouchés possibles pour l’ensemble des films du FIFO mais potentiellement pour tous nos réalisateurs et producteurs polynésiens. Ces rencontres entre l’audiovisuel francophone et l’audiovisuel anglophone du Pacifique sont importantes car les codes ne sont pas les mêmes tant en termes de production que de diffusion, donc cela permet de connaitre le travail des uns et des autres, les lignes éditoriales de chacun, les attentes des marchés, les contraintes…

Le FIFO ne se réduit pas aux projections dans les salles, il y a les ateliers, les rencontres, et toute cette partie d’échanges de filières, ou industry talk, où les professionnels de la région discutent entre eux. Nous avons eu des représentants des fonds de financement, des distributeurs, des producteurs, des diffuseurs de grandes chaines comme TVNZ, SBS Australia, des représentants de plateforme, Canal+ Pacifique… C’est autant de débouchés possibles pour l’ensemble des films du FIFO mais potentiellement pour tous nos réalisateurs et producteurs polynésiens. Ces rencontres entre l’audiovisuel francophone et l’audiovisuel anglophone du Pacifique sont importantes car les codes ne sont pas les mêmes tant en termes de production que de diffusion, donc cela permet de connaitre le travail des uns et des autres, les lignes éditoriales de chacun, les attentes des marchés, les contraintes…

Ce FIFO a marqué le retour du pitch, des jeunes ont présenté leurs projets, il y a eu un gagnant mais beaucoup ont eu des contacts, des propositions parfois. C’est une réussite ?

C’est une grande réussite et on en est très fiers. Nous sommes persuadés que le pitch a sa place dans la programmation du FIFO. Ce n’est pas très connu du grand-public mais c’est important pour la filière. Nous avions sept projets sélectionnés. Le projet qui a gagné vient des îles Cook et de Nouvelle-Zélande, c’est un projet ambitieux et important pour notre région et on espère vraiment que le film va se concrétiser et qu’il sera diffusé au FIFO.

Le FIFO 2025 va commencer à se préparer, c’est reparti ?

On va d’abord se remettre de nos émotions mais bien sûr, un FIFO qui se termine c’est un FIFO qui recommence. Nous lançons l’appel à films dès le mois de mars pour lequel nous allons aussi à la recherche de documentaires intéressants en contactant des professionnels, des festivals partenaires, on réfléchit à des thématiques qui pourraient être abordées sur la partie marché, on organise aussi de mars à décembre le FIFO hors-les-murs dans les communes éloignées de la zone urbaine, dans nos îles et à l’international, ce qui participe à la visibilité de l’Océanie et de la Polynésie en particulier. L’année précédente, nous avons organisé le premier FIFO hors-les-murs à Hawaii et les éditions à Rapa Nui et à Maré en Nouvelle-Calédonie. Nous avons également fait des projections ailleurs dans le monde. Et cette année, nous avons discuté avec les équipes de Wallis, de Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu pour envisager d’autres FIFO hors-les-murs. Pour nous, ça fait partie du FIFO de faire voyager les films et d’ouvrir partout cette fenêtre sur nous-mêmes et ce lien entre nous. Moi-même j’ai grandi avec le FIFO et il fait partie des grandes découvertes intellectuelles, émotionnelles et culturelles qui m’ont amenée à faire des choix sur mon parcours. C’est un privilège de l’organiser aujourd’hui.