FIFO 2025. La 22e édition du festival au sein de la Maison de la culture vient de s’achever. Le FIFO se poursuivra « Hors les murs » avant de faire peau neuve en 2026. Du 31 janvier au 9 février 2025, 10 films ont été présentés en compétition et 18 hors compétition. Zoom sur le rôle, la place et l’importance du documentaire et particulièrement du documentaire océanien dans nos vies.
Présenter une réalité ou une histoire vraie sous la forme d’un film, c’est le propre du film documentaire. Un rôle essentiel selon les professionnels et le public. Durant le FIFO, plus de 5 000 scolaires ont assisté aux projections. John, lycéen, a été touché par certains récits. À la sortie du film « FIÈR.E.S, la voix du Pacifique », ému, il lâche : « Merci de faire des documentaires qui portent nos voix. Gardons la tête haute et soyons fièr.e.s. Aujourd’hui, j’ai appris énormément de choses et je me suis reconnue et identifiée. C’est pas facile d’être jeune et des fois ne pas savoir à qui parler de mes ressentis. Les documentaires du FIFO permettent à certains d’être moins critiques sur nous par exemple, les raerae, les trans, comme vous voulez. On existe et il faut faire avec et je trouve ça bien et important que l’on fasse des documentaires sur le sujet pour que les gens soient peut-être plus compréhensifs. On n’a pas choisi d’être comme ça ». Le documentaire est un outil puissant qui suscite l’émotion et permet de mener une réflexion. Virginie Tetoofa, réalisatrice et productrice explique : « Le rôle du documentaire c’est de mettre en avant des réalités d’un pays, d’un peuple, d’une communauté de gens, de véhiculer leur quotidien. Je pense que cela sert à ça un documentaire a contrario de la fiction. La fiction c’est un espace où tu crées, tu inventes, tu imagines. Le documentaire, c’est une réalité, ça t’ancre et ça t’oblige à voir la réalité en face. C’est pour cela qu’on a besoin que le documentaire existe surtout en Océanie car il y a des problématiques dans notre région dont on doit parler ». Une analyse que partage Wallès Kotra, co-fondateur du FIFO: « Le documentaire sert à faire bouger les choses, faire évoluer les mentalités, découvrir et mener une réflexion personnelle ».
Sensibiliser, informer, éduquer sont autant de rôles que joue le documentaire. « Je pense que le documentaire traite d’un sujet qui nous est important, d’une problématique et cela sert à semer des graines de réflexion dans la tête des gens. Le documentaire éveille les consciences. Il permet de mettre en lumière des vérités, des difficultés ou pas. Le documentaire sert à faire réfléchir, à mener sa propre réflexion », martèle Virginie Tetoofa.
L’importance des documentaires autochtones
Quel que soit le sujet, la thématique d’un film, le documentaire est un outil de transmission du savoir. Il permet d’explorer des sujets variés qu’il soit historique, scientifique, environnemental ou sociétal. Pour Wallès Kotra, la place du documentaire est vitale en Océanie et joue un rôle clé dans la préservation de la mémoire des peuples, des cultures et des événements marquants. Ils permettent de ne pas oublier certaines périodes sombres. « Nos pays ne peuvent pas se contenter de la consommation, il faut aussi qu’ils s’enrichissent. Pour l’Océanie par exemple, c’est important que l’on connaisse notre région, ce sont nos racines et cela doit être notre avenir. Tout cela ne peut pas disparaître en cours de route et c’est possible que cela disparaisse si on n’est pas assez vigilant », avertit le père du FIFO. Il poursuit : « Le documentaire océanien participe à la cohésion de nos pays. Les sociétés insulaires sont des sociétés très fragiles. C’est donc important qu’il y ait des contenus qui parlent des îles mais c’est aussi important la manière dont on traite les sujets. Donc oui, il faut des documentaires mais il faut que cela soit fait par des océaniens et que les autochtones s’investissent ».
Les professionnels de l’audiovisuel s’accordent sur l’importance d’un documentaire réalisé par les autochtones. « Étant enfant j’ai été beaucoup impacté par l’image télévisuelle qu’on m’a envoyé. Je ne me reconnaissais pas en tant que tel. Quand on parle de terre de partage, terre de respect et d’humilité et ce qu’on nous renvoyait à la télé, ce n’était pas du tout ce que l’on vivait tous les jours, ce n’était pas ma réalité », lâche Nunë Luepak, auteur, réalisateur, producteur et scénariste kanak. D’où l’importance de documentaires faits par des Océaniens insiste Wallès Kotra : « Avant, on voyait les images des autres mais on ne voyait pas nos images. Souvent nos images étaient faites par des étrangers et donc c’était leur regard sur nous. Nous, nous voulions qu’il existe aussi une offre où l’on se voit comme dans un miroir, que nos enfants, la société puisse avoir une image d’elle-même et pas seulement celle des autres ».
Une forme de résistance
Le documentaire, un noble art qui permet de faire passer des émotions, des messages et donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Harmonie Huang, professeure au lycée professionnel de Faa’a, a accompagné deux de ses classes au FIFO. Elle relève l’importance du festival et des documentaires :
« Nous avons amené nos élèves au FIFO pour qu’ils aient une ouverture d’esprit par rapport aux différentes cultures du Pacifique. Qu’ils prennent conscience de certains combats comme ceux de Mo’orea qui tentent de préserver la plage de Tema’e, de ceux qui sont atteints de déficience ou encore ceux qui militent pour sauvegarder des lieux sacrés et leur terre. Les documentaires sont importants car on apprend ce qui se passe ailleurs dans le Pacifique mais aussi chez nous et cela change les habitudes de nos élèves qui ne sont que sur les réseaux sociaux. Cela permet de les sensibiliser et voir les similitudes peut-être avec nos cousins du Pacifique dans nos combats comme le colonialisme et la préservation de nos terres ».
Le temps d’une matinée, les élèves ont pu apprécier différents films sans être scotchés sur les réseaux sociaux. Une bonne chose selon Wallès Kotra qui indique : « Quand les réseaux sociaux sont apparus, on s’est aperçu qu’ils déconstruisaient beaucoup les choses. Ce sont des formats courts mais où on passe d’une chose à l’autre sans vraiment s’intéresser au contenu. Un documentaire permet de se poser et d’expliquer la complexité des choses ».
Déconstruire, construire, le documentaire est aussi une forme de résistance. « De nombreux défis nous attendent encore et c’est à nous d’être attentif. Le documentaire océanien nous a permis d’émerger, d’exister mais aujourd’hui il nous faut aussi résister. On parle souvent de sujet grave mais pas que. Le documentaire doit accompagner cette résistance. Il faut montrer ces gens qui restent debout malgré la tempête, qu’ils soient agriculteurs, danseuses, religieux ou autre et qui défendent leur histoire. Les sujets d’un documentaire sont inépuisables donc continuons à révéler nos pays et à faire comprendre nos sociétés. Le documentaire est la réponse d’une époque », affirme Wallès Kotra. L’homme insiste sur l’approche des documentaires océaniens : « Très souvent, c’est le respect et la résilience qui les caractérise. En Océanie, on a assimilé ça. Dans notre région de manière général, ce n’est pas ceux qui crient qui ont raison. Très souvent ceux qui ont la connaissance ne parlent pas, donc le travail d’un réalisateur de documentaire c’est d’aller le chercher. Souvent sur un autre support que le documentaire, quand on veut aller vite, on donne la parole à quelqu’un d’autre qui n’a pas la légitimité de la parole. Et l’approche d’humilité et de respect est une marque océanienne ».
Le documentaire bien plus qu’un simple film d’information reflète le monde qui nous entoure. Il peut être un moteur de changement. S’il contribue à une meilleure compréhension des problématiques que l’on rencontre, il mène parfois à l’action face aux réalités du monde. Les grands documentaires de l’histoire du cinéma ont su marquer les esprits et ont eu un impact sur la société.
Jenny HUNTER