Tout au long de cette 20e édition du FIFO, des rencontres autour des thèmes abordés lors du festival sont organisées. Parmi elles, le devoir de mémoire. Pour en parler, trois personnalités, trois réalisateurs : Wallès Kotra, Marie-Hélène Villierme et Dorothée Tromparent.
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Les documentaires portent des histoires et des messages. Souvent, ils bouleversent et marquent les esprits. Mais ils ont aussi une autre fonction : celui de porter une mémoire. La mémoire d’un pays, d’une ou plusieurs histoires. Ils deviennent alors indispensables et essentiels. La réalisatrice Dorothée Tromparent dans Waan Yaat raconte un terrible assassinat lié aux Évènements en Nouvelle-Calédonie. Dans son film, elle donne la parole aux assassins et aux victimes. « Une partie de l’histoire de la Calédonie n’est pas écrite. Mais on se rend compte qu’il y a un déficit de mémoire, et c’est très douloureux. Alors, quand la parole sort c’est incroyable. Je cherche à soulever des questions à travers les films avec cette volonté de tenter de réparer». Réparer… Un mot qui prend tout son sens lorsque les histoires racontées dans les documentaires portent une vérité. C’est le cas avec l’excellent film de Marie-Hélène Villierme L’élu du peuple, Pouvana’a te metua, qui a obtenu le prix du public en 2022. Ce documentaire retrace le destin de Pouvana’a a Oopa, une page peu connue et pourtant décisive de l’histoire politique polynésienne. Une histoire aussi d’un homme qui a été injustement accusé et exilé de sa terre par la justice coloniale française. « L’idée de ce film était de se réparer et de se réconcilier avec soi-même. Et ça veut dire aussi d’accepter les parts d’ombre. Pour moi en ouvrant ces pages, on traverse ces blessures et cela nous permet de comprendre. Car les choses sont dites, la parole a été libérée pendant et après le film. Donc ce devoir de mémoire c’est pour dire ce qui a été fait et pour soulager, je crois aussi. La réconciliation n’est pas fini mais le film est une étape nécessaire et indispensable pour arriver à une autre étape ».
Un travail à continuer
Le chemin vers la vérité comme la mémoire n’est pas sans embûche et souvent très difficile. « Le documentaire c’est le récit du présent et dès qu’on commence à toucher au passé ça fait mal car les blessures ne sont pas refermées. », confie Wallès Kotra, père fondateur du FIFO mais aussi journaliste et réalisateur. Il est à l’origine de deux films : Jean-Marie Tjibaou, la parole assassinée ? qui est un portrait de cette figure indépendantiste et Tjibaou, le pardon, qui retrace l’histoire d’une réconciliation, 15 ans après l’assassinat de Tjibaou par Djubelly Wea. « C’est difficile de parler de notre histoire mais c’est un enjeu très important. Il faut la raconter aussi à nos enfants car c’est notre histoire et pas celle des autres. Il y a encore du travail à faire, il faut travailler avec des historiens, avec les écoles… C’est un chantier et on ne fait que commencer. » Un long travail reste donc à faire mais les documentaires sont là aussi pour l’accomplir. « En Calédonie, la mémoire commence seulement à s’exprimer. Au sein des familles, les parents n’ont pas raconté leur histoire à leurs enfants. Alors si le documentaire peut ouvrir la parole, la réalité est transformée après c’est à chacun de faire le travail », intervient Dorothée Tromparent. Le documentaire peut donc fonctionner comme un devoir de mémoire mais ce qui reste essentiel est de le rendre aux gens. Car il s’agit de retrouver du sens et de retrouver à tout à chacun une légitimité.
Suliane Favennec – FIFO