Paul Wolffram est réalisateur et producteur. Le Néo-zélandais est fasciné par les autres cultures depuis son enfance et notamment celles de l’Océanie. Il a vécu deux ans dans une communauté en Papouasie Nouvelle Guinée. Un voyage qui a transformé sa vie. Aujourd’hui, il présente en compétition au FIFO son documentaire Marimari, qui en Tok Pisin signifie “compassion ». Rencontre avec le réalisateur.

« ’Ia ora na, kia ora et helo olgeta, je suis Paul Wolffram », se présente le réalisateur. Paul Wolffram est un amoureux de la nature, des cultures et aime partager des histoires. Actuellement, s’il vit et travaille à Wellington, en Nouvelle-Zélande, il travaille dans le Pacifique depuis 25 ans. Il a notamment vécu deux ans en Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG), lors de ses recherches, dans une communauté des forêts tropicales de la Nouvelle-Irlande. Une expérience qui le forge et le marque. 

Là-bas, il apprend la langue et comment survivre en pleine nature. Le futur doctorant curieux de son nouvel environnement tente de l’apprivoiser et étudie le mode de vie traditionnel des autochtones, leurs musiques, leurs danses, leurs pratiques créatives et leur spiritualité. « Cette immersion profonde dans une autre culture a été une expérience incroyable, m’offrant une perspective riche et variée sur le monde », note le dorénavant Dr Paul Wolffram.

Depuis, il ne cesse de naviguer entre la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. « J’ai réalisé plusieurs films en collaboration avec des communautés autochtones, mais Marimari, présenté cette année au FIFO, est sans doute mon film le plus important à ce jour », dit avec fierté l’enseignant de production cinématographique de l’Université Victoria.

Si la Papouasie-Nouvelle-Guinée semble être une terre d’adoption pour cet amateur de poisson cru au lait de coco, il a hâte de découvrir la Polynésie française. « J’ai beaucoup voyagé dans le Pacifique, mais c’est la première fois que j’ai l’opportunité de découvrir ces magnifiques îles », se réjouit cet aventurier dans l’âme.

Un premier voyage en Polynésie française et un premier film présenté en compétition, le réalisateur espère qu’à travers son documentaire, le public polynésien prenne conscience d’une autre réalité, celle des cousins du Pacifique. 

« Mon film Marimari, présenté cette année au FIFO, raconte l’histoire incroyable d’une femme autochtone qui lutte pour sauver et réhabiliter les survivants d’accusations de sorcellerie en Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG). Peu de personnes en dehors de la PNG connaissent l’ampleur de la violence liée à ces accusations. Le FIFO nous offre une opportunité unique de partager cette réalité avec nos frères et sœurs du Pacifique. La violence liée aux accusations de sorcellerie est un problème croissant en PNG, et les personnes touchées ont besoin du soutien des autres nations du Pacifique pour faire face à cette situation », insiste-t-il.

Éveiller les consciences, sensibiliser et aider à mieux comprendre la situation de cette population autochtone, lui tient à cœur. 

Il prévient toutefois : « Le documentaire est difficile à regarder, parfois brutal et dérangeant, mais il met aussi en lumière l’histoire d’Evelyn Kunda, une femme incroyablement courageuse de la province de Simbu, dans les Hautes-Terres-Orientales de la PNG. Elle risque sa vie pour venir en aide aux survivants des violences liées aux accusations de sorcellerie. Evelyn propose une solution autochtone à ce problème et incarne l’exemple de quelqu’un qui lutte pour le changement, même lorsque tout son entourage est trop effrayé pour agir ».

La compassion a été notre kaupapa (étoile du Nord)

S’il tient tant à raconter cette histoire en particulier, Paul Wolffram avec sincérité explique : « Vivre dans des villages reculés de la PNG a été un privilège rare. Mon travail avec les communautés des îles de la PNG m’a guidé vers la réalisation de films et le milieu universitaire. En 2017, alors que je faisais du bénévolat en enseignant à l’Université de Goroka, dans les Hautes-Terres-Orientales de la PNG, j’ai été confronté à la réalité des violences liées aux accusations de sorcellerie. J’ai alors décidé d’utiliser mes connaissances culturelles et linguistiques pour aider à lutter contre ce phénomène. Le film Marimari a mis sept ans à être réalisé. J’espère que le public tahitien saura reconnaître et apprécier le mana incroyable d’Evelyn Kunda, la protagoniste du film ».

Aujourd’hui il se remémore ses premières années dans la forêt tropicale de la Papouasie Nouvelle Guinée qui lui ont appris l’importance de la communauté.

Avec humilité, il raconte : « À mon arrivée, je ne savais ni cultiver ma nourriture, ni utiliser une machette, ni survivre dans cet environnement. Je serai toujours reconnaissant envers les membres de ma communauté d’accueil qui m’ont appris à survivre, à parler, à pêcher, à chanter et à danser. »

Étroitement lié à ce peuple, il explique : « Le titre du film, Marimari, est un mot en Tok Pisin qui signifie « compassion ». La compassion a été notre kaupapa (objectif) tout au long de la production et de la postproduction du film. Cela nous a guidés dans la manière dont nous avons raconté cette histoire et collaboré avec toutes les personnes impliquées. Le film offre une perspective à la fois sur les survivants et sur les auteurs des violences liées aux accusations de sorcellerie. J’ai fait de mon mieux pour traiter et représenter les deux avec soin et compassion. »

Si la Papouasie-Nouvelle-Guinée lui a apporté un éclairage nouveau sur les différentes cultures, Paul recentre les débats. « L’Océanie est mon foyer, mais c’est aussi, à mon avis, la région la plus belle du monde. Je la perçois également comme un sanctuaire. Beaucoup de peuples du Pacifique vivent encore en harmonie avec la nature, leurs traditions et leurs savoirs ancestraux. Ces communautés détiennent un savoir précieux qui peut aider le monde entier à mieux coexister avec l’environnement, un défi majeur auquel nous sommes tous confrontés aujourd’hui. »

Passionné par la narration et l’exploration des limites de l’art et du récit, il estime : «  Heureusement, le monde est une source d’inspiration infinie, et nous avons la chance de vivre dans une région riche en histoires et en personnes généreuses qui acceptent de les partager . »

Aujourd’hui le professeur espère trouver un public international à Marimari. Et de souligner : « Je travaille également avec des communautés des Hautes-Terres de la PNG sur des vidéos courtes et humoristiques de prévention contre la violence, destinées aux jeunes. »

En attendant, celui qui aime à écouter « No Woman, No Cry de Bob Marley – parce que tout le monde aime Bob ! », va poser ses valises au fenua pour au moins une semaine. Et si cela ne ressemble pas tout à fait au lieu qui le représente East Cape, sur l’île du Nord à Aotearoa, une région sauvage et indomptée de Nouvelle-Zélande, il va découvrir une autre culture. 

Et pourquoi pas, faire une randonnée. « Je passe mon temps libre à faire de la randonnée en pleine nature avec ma famille, dans les montagnes, rivières et forêts natives d’Aotearoa. Chez nous, en Nouvelle-Zélande, on appelle ça du « tramping », et ma famille adore ça ! », partage Paul. 

En toute pudeur, Paul espère raconter de nouvelles histoires, partager à nouveau ses expériences, celles d’autres cultures.

Jenny Hunter