Ramon Te Wake, réalisatrice de Trans & Pregnant, livre un documentaire poignant sur la communauté trans et leur parcours vers la parentalité. Un long métrage de 58 minutes qui se veut authentique et sincère. Rencontre avec la réalisatrice.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ainsi que votre parcours professionnel ?
Je m’appelle Ramon Te Wake (ngāti Te Rarawa et ngāti Whātua). Je travaille dans l’industrie du cinéma et de la télévision depuis 20 ans. Je suis une femme transgenre, scénariste et réalisatrice.
Parmi mes projets récents, il y a la série comique The Boy, The Queen, And Everything In Between, actuellement diffusée à Aotearoa (Nouvelle-Zélande) et en Australie. J’ai réalisé le drame adolescent Inky Pinky Ponky et, l’année dernière, j’ai créé mon premier court-métrage, Wait, Wait, Now!. Bien sûr, nous sommes également en compétition au FIFO avec notre documentaire Trans & Pregnant.
Comment abordez-vous le festival ?
Nous sommes ravis d’assister au FIFO à Tahiti ! Il y a tellement de films formidables à découvrir. Plusieurs réalisateurs d’Aotearoa seront présents, donc ce sera une belle occasion de les retrouver et de soutenir leurs films.
Je ne suis jamais venue à Tahiti, donc j’ai hâte de découvrir la communauté, la culture, la gastronomie et, bien sûr, d’échanger avec les professionnels du secteur qui seront présents tout au long de la semaine.
Quel message souhaitez-vous faire passer ? Est-ce un message de soutien ouvert à la communauté LGBTQI+ ?
Ce film est spécial. C’est avant tout une histoire d’amour entre deux êtres humains, tout simplement. Frankie est un homme transgenre qui souhaite fonder une famille, comme de nombreux couples.
Ce qui rend Trans & Pregnant unique, c’est sa portée universelle qui invite tous les publics à suivre cette aventure. Oui, il s’agit aussi de créer plus de visibilité pour les personnes trans, notamment en ce qui concerne la parentalité. Nous espérons que ce film contribuera à ouvrir la voie aux futurs parents trans et à mieux faire comprendre leur parcours. Mais au cœur de tout cela, c’est avant tout une histoire d’amour puissante.
Réaliser ce documentaire a-t-il changé votre vision des choses ou vous a-t-il appris quelque chose ?
En tant que femme trans, raconter des histoires trans est une démarche qui me donne de la force, surtout lorsqu’elle est reconnue à une échelle internationale. Mais je n’avais jamais vécu une expérience comme celle-ci.
Être là à chaque étape, traverser avec eux les épreuves – les fausses couches, puis la naissance – a été une révélation, non seulement en tant que réalisatrice, mais aussi en tant qu’être humain, témoin de ce processus. J’ai compris à quel point il est essentiel de protéger nos récits et cela m’a rappelé pourquoi il est crucial de continuer à raconter nos histoires. Dans un monde où les personnes trans sont de plus en plus menacées, il est vital de maintenir notre représentation et notre visibilité.
Votre objectif est-il de faire avancer la cause des personnes trans ?
Notre but, dès le départ, était de raconter leur histoire avec bienveillance, authenticité et respect. Nous savions qu’il nous fallait être audacieux, mais nous ne voulions pas donner de leçons ni dicter aux spectateurs comment percevoir les personnes trans.
Nous espérions que, si nous faisions bien notre travail, le public s’attacherait naturellement à Rāwā et Frankie et suivrait leur parcours avec empathie. Il y avait certains points importants à aborder, comme le fait que le système de santé n’est pas adapté aux personnes trans et à leur parcours de parentalité. Nous voulions mettre cette réalité en lumière et espérons que ce film a contribué à sensibiliser sur ces enjeux.
Comment pensez-vous que le public du FIFO accueillera Trans & Pregnant ?
Nous pensons que le public du FIFO sera ouvert et réceptif. C’est un beau portrait d’un couple et de son chemin vers la parentalité. Le film est à la fois émouvant, doux et rempli de soutien et d’amour.
Il met en avant la famille et la communauté, ce qui le rend accessible à un large public. Rien n’est forcé et c’est cette sincérité qui, nous l’espérons, captera l’attention du spectateur.
Craignez-vous de heurter certaines sensibilités ?
Notre intention n’a jamais été d’offenser qui que ce soit – cette idée nous est totalement étrangère.
Si l’on regarde le film avec un esprit ouvert, on comprend rapidement qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’amour unique. Ce que l’on ne connaît pas nous fait souvent peur, mais les personnes trans et queer ont toujours existé, elles ont toujours fait partie des communautés et de nos réalités.
Nos histoires de luttes et de réussites sont aussi légitimes que n’importe quelle autre histoire. L’humanité gagnerait à être plus aimante et tolérante. Si ce film peut, ne serait-ce qu’un peu, encourager cette ouverture, alors ce sera une victoire pour nous tous.
Quelles sont les valeurs qui vous définissent ?
Honnêtement, je pense être assez ennuyeuse (rires). Quand je ne fais pas de films ou de télévision, je passe du temps avec ma famille et mes amis. Je suis très attachée à ma famille.
Je suis quelqu’un de loyal, assez réservée, et… plutôt casanière. Je vais toujours au même restaurant, au même bar, dans le même café et à la même salle de sport. J’adore m’occuper de mes plantes, écouter de la musique très fort en nettoyant la maison, manger de bons repas et regarder mes séries préférées.
Bref, je suis une personne qui aime son confort, et ça me rend heureuse.
Quels sont vos projets à venir ?
Avec Nicola Smith, la formidable productrice de Trans & Pregnant, nous travaillons ensemble depuis plus de dix ans et nous avons de nombreux projets en cours.
Nous préparons un documentaire intitulé Denied – 50 Years of Gay Pride in Aotearoa, ainsi que la saison 2 de The Boy, The Queen, And Everything in Between. Nous écrivons également une comédie romantique intitulée What Rides Are For…
C’est une période pleine d’incertitudes pour l’industrie audiovisuelle, avec beaucoup de changements liés à l’évolution des modes de consommation des contenus. Mais cela nous oblige aussi à être plus créatifs et à explorer de nouvelles façons de raconter des histoires. C’est passionnant.
Jenny HUNTER